Partir en week-end

Vous savez, j’ai beau essayer de me rappeler, je n’ai pas le souvenir que dans ma famille « partir en week-end » ait eu une quelconque réalité.

On partait en vacances, on partait se promener en forêt, on partait faire les courses, on partait au sacro-saint tournoi de foot du dimanche du frère.

Donc certes on partait, mais on partait quelque part, pour faire quelque chose.

Partir en week-end, ça, non.

Je n’ai aucun souvenir de ça.

D’ailleurs, c’est un concept que j’ai découvert assez tard, à l’âge adulte, avec le premier travail, mais sans doute encore plus quand je suis rentrée en France.

Bien entendu que j’ai connu des gens qui allaient au ski en hiver ou à la plage en été pendant les week-ends.

Mais ces gens-là, ils allaient au ski ou ils allaient à la plage. Ils allaient voir la famille ou visiter le château bidule.

Ils ne partaient pas en week-end.

Parce qu’il y a ce petit truc en plus avec le fait de partir en week-end : le mystère qui renferme la potentialité de ne rien faire de spécial.

Voire même, de ne rien faire du tout.

Partir en week-end c’est « juste » changer de lieu.

Que cet ailleurs soit à 15 bornes ou 450, dans une tente ou un 5 étoiles, à pied ou en avion, seul(e) ou accompagné(e).

Et pour moi c’était nouveau, ce concept qu’on pouvait choisir de faire quelque chose pour potentiellement ne rien faire au final.

Encore mieux : on pouvait faire quelque chose, pour potentiellement ne rien faire au final, juste comme ça, parce qu’on en avait envie et c’est tout.

J’ai appris à faire des choses, à estimer la valeur ajoutée d’une action ou d’un achat, à voir les comportements avec un œil de productivité, d’efficience même, à chercher l’optimisation, le process qui va bien, la rentabilité, même si c’est pour grapiller pas grand-chose (je vous fais rêver là, je le sens).

Toujours faire mieux, aller titiller la perfection.

La fille qui pèse pendant 3 plombes le pour et le contre de l’achat d’un truc pour au final estimer si au coût par jour d’utilisation c’est rentable parce que sinon on ne s’en sortirait pas, c’est moi.

Celle qui cherche à optimiser la moindre tâche pour la rendre la plus automatique et efficace, notamment au travail, c’est moi aussi.

Celle qui se demande si vraiment elle a mérité ses vacances et de partir en jugeant ses réalisations au travail et ses actions personnelles, c’est encore moi.

Celle qui planifie ses voyages pour les rentabiliser, les optimiser au maximum, c’est toujours moi c’était moi (j’ai lâché du lest ces derniers temps) (mais bon, soyons honnêtes, il y a encore du travail).

Inutile de dire que l’idée de « partir en week-end » m’était presque inconcevable.

C’était stratosphérique, je ne comprenais pas : partir en week-end, mais pour quoi faire, pour faire quoi, pour quel résultat, pour quel motif ?

Et puis les gens m’en parlaient, ça avait l’air bien quand même, je veux dire, ils avaient l’air contents d’être partis en week-end ces gens-là.

Les thérapies, les discussions avec les copines et les copains, les idées d’endroit où je voulais aller ont fait leur chemin dans ma tête, tranquillement (c’est qu’il y en avait des obstacles à cette idée).

Partir en week-end, juste pour voir ce que ça fait (motif ? Check : faire avancer la recherche scientifique) (ou tout du moins ma recherche personnelle).

Il a aussi fallu que je me débarrasse de l’injonction comme quoi  il faut être accompagnée pour aller en week-end pour finalement me lancer (Merci Marion).

Inutile de dire que les quelques jours que j’ai passé à Collioure on fait l’effet d’une bombe atomique : je suis allée là bas, j’ai choisi un endroit joli et pratique pour me loger, et le reste du temps, j’ai bullé.

J’ai lu à la plage au soleil, j’ai mangé des glaces, j’ai pique-niqué sur le port, j’ai beaucoup et bien dormi, je me suis promenée au bord de la mer.

Bon, on ne va pas se mentir, j’ai aussi pas dormi de la nuit la veille de partir et ai eu le système digestif complètement en vrac jusqu’à ce que j’ai dépassé les 150kms sur l’autoroute (et que je me rende compte que tout allait bien, c’est bon, déstresse, respire) tellement cet inconnu m’angoissait.
J’irais presque jusqu’à dire que ça me terrifiait de penser que potentiellement, j’allais trouver ça bien, et tout remettre en cause après.

Le changement, la zone de confort, tout ça.

J’ai pas tout remis en cause, je m’auto-sabote encore régulièrement, mais je crois que ça m’a fait avancer d’un point de vue personnel cette histoire.

Alors voilà, je voulais juste poser là cette expérience, parce qu’il y a peut être quelqu’un qui sera dans la même situation que celle dans laquelle j’ai été, et qui aimerait juste voir que c’est possible, et qui passera par là.

C’est possible. Ça fait grave peur, tellement peur que tu en pleure(rai)s de terreur, mais en fait, vraiment, c’est promis, c’est vachement bien.

Ah, et aussi : tu le mérites.

Bonne journée, et bons week-ends.

4 thoughts on “Partir en week-end

  1. Le droit de partir même quand on est toute seule. Je suis encore loin de me l’accorder. Tu es mon modèle. Perso j’en suis encore à traiter un déjeuner seule en terrasse comme un exercice pratique dont je fais le compte-rendu à Mme Mapsy. Alors un week-end entier… Quelle angoisse !

    1. Merci !
      Hé bien tu vois, on est le modèle l’une de l’autre : autant partir en week-end ne m’est pas (trop) compliqué, autant un déjeuner seule en terrasse, j’ai du mal…

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